La réserve héréditaire est un concept fondamental du droit successoral suisse. Elle vise à protéger les intérêts financiers des membres de la famille proche lors d’une succession. Cet article explore ce qu’est la réserve héréditaire en Suisse, comment elle fonctionne en mettant en évidence certaines modifications intervenues en 2023.

Qu’est-ce que la réserve héréditaire ?

En Suisse, la réserve héréditaire est une part minimale de l’héritage qui doit être attribuée aux héritiers réservataires, indépendamment des volontés testamentaires du défunt. 

Les bénéficiaires de cette protection sont les descendants en ligne directs ainsi que le conjoint ou partenaire enregistré survivant. Cela signifie qu’une partie du patrimoine doit obligatoirement leur être allouée. Le reste de l’héritage, que l’on appelle quotité disponible, peut être réparti librement selon les souhaits exprimés dans un testament ou un pacte successoral. 

Il est à noter que la réserve en faveur des parents a disparu avec la modification du droit successoral suisse intervenue en 2023. De même, les frères et sœurs ainsi que les autres membres éloignés de la famille ne sont pas des héritiers réservataires.

 

Comment se calcule la réserve ?

La part qui doit impérativement revenir aux descendantes et/ou au conjoint survivant dépend de la situation familiale du défunt au moment du décès. Cette part se calcule de la manière suivante :

  • Descendants uniquement : ils doivent recevoir 50% au moins de la succession.
  • Descendants en concours avec le conjoint survivant :  le conjoint survivant doit recevoir au moins 25% de la succession et les descendants 25% au moins de la succession.
  • Conjoint survivant uniquement : si les parents du défunt sont encore en vie (où leurs descendants en cas de décès de ceux-ci), le conjoint survivant doit recevoir 37.5% au moins de la succession. Dans le cas contraire, le conjoint survivant doit recevoir 50% au moins de la succession.

La quotité disponible, c’est-à-dire la part de la succession que le défunt peut librement attribuer par testament, varie donc en fonction de ces quotas. Elle est dans tous les cas d’au moins 50% de la succession depuis la réforme du droit successoral de 2023.

 

Est-il possible de déroger à la réserve ?

Les possibilités de déroger aux réserves prévues dans la loi sont limitées. Il s’agit principalement de la nouvelle disposition applicable en cas de procédure de divorce ou de séparation, du pacte successoral et enfin de l’exhérédation.

1. En cas de procédure de divorce :

En cas de procédure de divorce, il est désormais possible de supprimer la réserve du conjoint survivant si l’une au moins de ces deux situations est réalisée :

  1. La procédure a été introduite sur requête commune ou s’est poursuivie conformément aux dispositions relatives au divorce sur requête commune
  2. Les époux ont vécu séparés durant deux ans au moins.

Cela suppose dans tous les cas d’inclure une clause dans son testament par laquelle le testateur supprime la réserve héréditaire de son conjoint.

 

2. Conclusion d’un pacte successoral :

Un pacte successoral, qui est un contrat signé par le testateur et les héritiers, peut établir des modalités spécifiques contournant la réserve héréditaire classique. Cependant, ce type de document requiert l’accord explicite de tous les héritiers concernés et doit suivre des formalités strictes pour être valide, à savoir en particulier avoir été conclu devant un notaire.

 

3. Exhérédation :

Selon la loi, il est possible par disposition pour cause de mort de supprimer la réserve d’un héritier réservataire lorsque celui-ci a commis une infraction pénale grave à l’égard du défunt ou de l’un de ses proches ou lorsqu’il a gravement failli aux devoirs que la loi lui impose envers le défunt ou sa famille.

A titre d’exemple, la jurisprudence a retenu qu’un époux qui persistait dans une relation adultère durable pouvait être exhérédé, ou encore lorsqu’une épouse privait son mari gravement malade des soins nécessaires en lui imposant des conditions de vie indécentes. Par contre, un comportement déloyal en affaire n’a pas été jugé comme étant une cause suffisante pour exhéréder son enfant.

 

Conclusion

Le droit des successions suisse a subi des changements importants en 2023 qui donnent en substance une plus grande liberté au testateur. Il est dès lors impératif de bien comprendre l’implication des nouvelles règles applicables dans le cadre de sa planification successorale, et en particulier d’adapter son testament si celui-ci a été rédigé avant lesdites modifications. D’autres changements sont en discussion, en particulier dans le domaine de la transmission d’entreprise.